Liberté chérie !

Antigone est libre et, comme la liberté se gagne sans cesse, il serait juste de dire qu’Antigone se libère, car on n’en finit jamais de se libérer, et d’apprendre à se libérer. La liberté est le don le plus réprimé, car la liberté figure la vérité, c’est le meilleur interprète de la vie. Elle dompte le destin et appelle à devenir plus que soi.

La conversion permanente

À la différence de ce qui est souvent dit ou cru, la tradition oblige à une conversion permanente. La tradition n’est pas une sinécure, une vie passée au spa ! La tradition demande un effort de tous les instants. Et même le plus important des efforts : ne pas oublier. Il n’y a de tradition que vivante, et vivre équivaut à prendre le risque de vivre.

L’appel du destin, l’oubli de la vocation

Pour nier l’origine, il est possible d’affirmer que l’existence des faits passés ne peut être prouvée, ou mieux qu’il s’agisse d’un accident, un accident amplifié par les ragots. C’est ici que l’atténuation se révèle souvent un subterfuge efficace, car il n’oblige pas à nier et s’appuie sur une part d’honnêteté, mais si l’escobarderie permet de s’extraire en apparence d’une lignée, permet de cacher au monde les fantômes de son origine sous le voile de l’ignorance, elle ne feinte que l’extérieur, les gens alentours, elle n’offre pas d’échappatoires lors d’une rencontre avec soi-même. Elle représente souvent la pierre angulaire d’une peur de l’intimité. Parce que l’intimité dévoile. Parce que la peur non assumée cloisonne en soi une peur de soi tout en la niant. Combien de nos contemporains vivent ainsi harnachés de leur peur du dévoilement ? Cette manière de feinte décline un arc-en-ciel de lâcheté ; une lâcheté qui bat la mesure du silence, qui crée l’équilibre et le fonde sur un oubli de soi, donc sur une perte de soi, puis une négation du soi. La peur qui ne meurt pas et ne ressuscite pas dans la bravoure annonce la mort de la liberté. Le règne des robots. Ismène se cache l’outrage de Créon. Ismène a déjà perdu sa liberté. Elle l’a perdue volontairement. Elle l’a troquée contre un peu de confort. Elle a peur de se voir. Ismène mène son petit bout de chemin comme l’adage populaire le dit, ce qui signifie qu’elle se confond avec son destin, plus encore elle s’emmitoufle en son destin, elle ne fait qu’un avec lui, elle ne peut presque plus distinguer son destin de sa vie or le destin est une peur non assumée, le destin convie à vivre une vie parallèle à la vie que l’on aurait pu vivre, la vie pour laquelle on était fait, le destin nous éloigne avec inexorabilité de notre vocation, au début nous voyons encore cette vocation, mais peu à peu elle se dissipe et se confond avec un songe. Quelquefois cependant, un événement peut raviver cette conscience de ce que nous sommes tout au fond de nous, c’est le moment où l’événement devient histoire.