Discours de Donoso Cortès (1850)

« Les armées régulières sont aujourd’hui la seule chose qui empêche la civilisation de se perdre dans la barbarie. Aujourd’hui s’offre à nos yeux un spectacle nouveau dans l’histoire, nouveau dans le monde : quand, Messieurs, le monde a-t-il vu, sauf de nos jours, que l’on va vers la civilisation par les armes et vers la barbarie par les idées ? Eh bien, le monde est en train de le voir au moment où je parle. Ce phénomène, Messieurs, est si grave, si étrange, qu’il exige quelques explications de ma part. Toute civilisation véritable vient du christianisme. Cela est si vrai que la civilisation tout entière s’est concentrée dans la zone chrétienne. Hors de cette zone il n’y a pas de civilisation, tout est barbarie. Et cela est si vrai qu’avant le christianisme, il n’y a pas eu de peuples civilisés parce que le peuple romain et le peuple grec n’ont pas été des peuples civilisés. Ils ont été des peuples cultivés, ce qui est très différent.
« Le christianisme a civilisé le monde en faisant ces trois choses : il a civilisé le monde en faisant de l’autorité une chose inviolable, de l’obéissance une chose sainte, de l’abnégation et du sacrifice, ou mieux de la charité une chose divine. De cette manière le christianisme a civilisé les nations. Eh bien (et voici la solution d’un grand problème), les idées d’inviolabilité de l’autorité, de la sainteté de l’obéissance et de la divinité du sacrifice, ces idées-là n’existent plus dans la société civile : elles sont dans les églises où on adore le Dieu juste et miséricordieux, et dans les camps où on adore le Dieu fort, le Dieu des batailles sous les symboles de la gloire. Et parce que l’Eglise et l’armée sont les seules qui aient conservé les notions d’inviolabilité de l’autorité, de sainteté de l’obéissance et de divinité de la charité, elles sont aussi les deux représentants de la civilisation européenne.
« Je ne sais pas, Messieurs, si votre attention aura été attirée comme la mienne par la ressemblance, la quasi-identité entre les deux personnes qui semblent être les plus distinctes, les plus opposées, la ressemblance entre le prêtre et le soldat. Ni l’un ni l’autre ne vivent pour soi, ni l’un ni l’autre ne vivent pour leur famille. Pour l’un et pour l’autre c’est dans le sacrifice et dans l’abnégation que se trouve leur gloire. La charge du soldat est de veiller à l’indépendance de la société civile. La charge du prêtre est de veiller à l’indépendance de la société religieuse. Le devoir du prêtre est de mourir, de donner sa vie comme le bon pasteur pour ses brebis. Le devoir du soldat, comme un bon frère, est de donner sa vie sacerdotale, le sacerdoce vous apparaîtra, et il l’est en effet, comme une véritable milice. Si vous considérez la sainteté du métier militaire, l’armée vous paraîtra un véritable sacerdoce. Qu’en serait-il du monde, qu’en serait-il de la civilisation, qu’en serait-il de l’Europe s’il n’y avait pas de prêtres ni de soldats ? »

Au coeur des ténèbres, la vie

The-Tree-of-Life

Après avoir vu « Tree of Life », je me suis longtemps interdit d’écrire sur ce film. Deux forces s’affrontaient en moi. Subjugué par la poésie, par l’état de béatitude dans lequel j’étais plongé, j’avais peur de troubler la surface de cette oeuvre. Je me suis tellement emmitouflé dans le mystère de ce film que je ne comprenais pas les réactions négatives et étais incapable d’avoir un esprit critique1. “Tree of Life” s’appuie sur un livre de la Bible, “le Livre de Job”. Et ce livre ténébreux parle de la vie et de la relation de l’homme à Dieu. Ce qui est présent dans beaucoup de livres de la Bible. Mais le Livre de Job commence par un dialogue entre Dieu et Satan qui se jouent de l’homme. L’impression que nous laisse ce dialogue inaugural est étrange. Bien sûr, le dialogue de début ne serait pas tout à fait de la même époque que le récit central. Peu importe en fait, l’impression laissée se représente au cours du livre. Comment Dieu peut-il se jouer de sa créature bien-aimée ? Une conclusion hâtive rend compte de l’invraisemblable de la situation. En vérité, une fois l’écorce ôtée, le Livre de Job délivre le coeur de la relation entre Dieu et l’homme. Et “Tree of Life”, le film de Terrence Malick, a cette même ambition.

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Dans l’ombre d’Ernesto Sabato

Lorsqu’Ernesto Sabato s’éteint le 30 avril dernier à 99 ans, il se répète les paroles de Maria Zambrano : Mourir cette action insaisissable qui se réalise en obéissant, advient au-delà de la réalité, dans un autre royaume. Dans sa maison de Santos Lugarès (“Lieux saints” près de Buenos-Aires), Ernesto Sabato obéit à cette dernière injonction. Il s’y est préparé de longue date. Dans Résistance, son émouvant testament littéraire paru en 2002, il écrivait : J’ai oublié de grands pans de ma vie, mais, en revanche, certaines rencontres, des moments de danger et le noms de ceux qui m’ont tiré des dépressions et de l’amertume palpitent encore dans mes mains. Et les vôtres aussi, vous qui croyez en moi, qui avez lu mes livres et allez m’aider à mourir.

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Notes sur la Révolution française

La plupart des citations concernant la Révolution française données dans cet article proviennent du livre “Historiquement correct” de Jean Sévillia.

Soljenitsyne : « Les hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont libres, ils ne seront pas égaux, et s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres. »

Il y a une idée révolutionnaire d’invention permanente qui perdure encore de nos jours. C’est une idée qui est aussi contenue dans l’idée de Progrès. Que tout reste encore à inventer. René Guénon disait : ” Il n’y a pas d’idées neuves sur terre. “

Robespierre : « Si Louis peut être le sujet d’un procès, il peut toujours être absous ; il peut être innocent : que dis-je ? Il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé ; mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la Révolution ? »

Westermann à la Convention : « Il n’y a plus de Vendée : elle est morte sous notre sabre libre. J’ai écrasé les enfants sous les pieds de nos chevaux, massacré les femmes qui n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. »

Carrier (après avoir noyé 10 000 innocents dans la Loire) : « Nous ferons de la France un cimetière, plutôt que de ne pas la régénérer à notre façon. »

« Il faut que la Vendée soit anéantie parce qu’elle a osé douter des bienfaits de la liberté. »

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Oshio Heihachiro, samouraï de la rébellion

Pour bien comprendre les actes d’Oshio Heihachiro, il faut bien comprendre qu’ils sont dictés par un caractère et par une volonté anti-révolutionnaires. Rien dans l’attitude d’Oshio Heihachiro ne souhaite remettre en cause l’ordre établi. Oshio Heichachiro sait le système perfectible, mais aussi fonctionnel. Ce qui rend le système moins performant tient plus aux hommes qu’au système lui-même.

La colère d’Oshio est dirigée vers les hommes, vers ce qui corrompt le système.

Laisser croire qu’un ver dans le fruit est la cause de tous les maux, c’est la philosophie qui a toujours accompagné nos révolutions. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage…

Il y a une arrogance occidentale qui croit que l’homme est infaillible. Cette arrogance occidentale a constitué et continue de constituer l’essence de son caractère antitraditionnel ; et constitue un terreau toujours meuble pour la volonté derrière la société égalitariste.

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