Le Paradis perdu de Sébastien de Courtois


Il existe une nostalgie d’un paradis perdu. Nous la ressentons tous, plus ou moins ; elle nous rattache au Péché originel et à la chute. Cette maladie tourmente les âmes pures. Elle gite et agite. Maladie de la jeunesse s’il en est, folie romantique, cette nostalgie est au cœur du roman de Sébastien de Courtois, L’ami des beaux jours.

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La pompe par Clive Staples Lewis

« En premier lieu, il faut vous débarrasser de cette idée nauséabonde, fruit d’un manifeste complexe d’infériorité et d’un esprit mondain, que la pompe, dans les circonstances appropriées, a quoique ce soit en commun avec la vanité ou la suffisance. Un officiant qui approche solennellement de l’autel pour célébrer, une princesse conduite par son roi dans un noble et délicat menuet, un officier supérieur passant en revue les troupes honorées lors d’une prise d’arme, un majordome en livré apportant un met fastueux à un banquet de Noël — tous portent des habits non usuels et se déplacent avec une dignité calculée et impeccable. Cela ne signifie en rien que leurs gestes sont vains, bien plutôt dociles ; leurs gestes obéissent à un impératif qui préside chaque solennité. L’habitude moderne de pratiquer des cérémonies sans aucune étiquette n’est pas une preuve d’humilité ; elle prouve plutôt l’inaptitude du célébrant impuissant à s’oublier dans le service, et sa promptitude à bâcler et gâcher le plaisir propre au rituel de placer la beauté au centre du monde et de la lui rendre accessible. »

Traduction libre de l’auteur du blogue.

Claude Bruaire

La douleur désigne la sensation “négative” dans l’agression qui affecte l’être par le corps. On emploie le mot pour l’agression localisée, en vivacité variable, réservant “souffrance” à l’épreuve de tout l’être, atteint en sa profondeur, dans son être personnel.

Une éthique pour la médecine. De la responsabilité médicale à l’obligation morale. Éditions Fayard.

Antigone, insoumise et intime (7/7. L’amour)

7ème et dernière partie : L’amour

Le désir d’Antigone est familial, elle ne veut pas laisser son frère sans sépulture ; Créon, lui, désire s’affirmer en tant que roi et montre son pouvoir. Antigone privilégie les liens familiaux qui incarnent l’amour et révèlent un être. Créon assoit son pouvoir en signant un acte de loi qui doit établir son autorité. Un même mot caractérise leur action : le désir. Mais le désir ne reconnaît pas le désir chez l’autre, on pourrait croire, surtout si l’on est tenté d’aduler le désir pour lui-même, que le désir adoube tout désir qu’il rencontre. Entre Créon et Antigone, c’est la mesure des désirs qui compte. Face à face, Antigone et Créon vont augmenter la mesure de leurs désirs à l’adversité qu’ils rencontrent. Mais la source du désir d’Antigone est-il encore compréhensible de nos jours ? En effet, le désir d’Antigone, ce désir qui se fonde sur la justice, justice faite et rendue à la dépouille de son frère et aux dieux, ce désir prend tout son sens, car il est communautaire, il s’inscrit dans une cité et dans une famille, vision réduite de la cité, et dans une croyance, Antigone s’adosse aux dieux pour interpeller Créon. Antigone n’exprime pas un désir personnel, elle défend une loi éternelle, elle défend son devoir à le dire, à le clamer devant n’importe quel pouvoir qui se croirait au-dessus d’elle. Depuis quand n’entendons-nous plus qui que ce soit s’ériger dans l’espace public pour clamer son devoir au prix de sa vie ? Le pire ? Nous nous sommes habitués à ce silence, cette résignation, les lois transcendantales ne nous disent plus grand-chose, donc rien ne vient surplomber et donc corriger les lois qui passent devant nous et nous encerclent comme des détritus dans un courant d’eau. Les communautés qui fortifiaient l’individu au sein d’un espace qui le protégeait et lui permettait de grandir ont volé en éclats. L’individu ressemble maintenant à un électron fou qui ne peut se construire que des bourrasques de vent qui l’épuisent et le déboussolent sans cesse et effacent jusqu’au goût du sens à donner à sa vie. La vie sociale repose sur le droit et le droit seul, mais en un lieu sans géographie composée de gens hors sol tous les droits se valent et se concassent dans un odieux capharnaüm. Créon a le pouvoir. Antigone est la fille d’Œdipe. À une époque où il ne s’agit plus que d’avoir, de posséder, d’acquérir, Antigone pèse — puisqu’il faut évaluer — bien peu. La destruction méthodique de toute métaphysique s’apparente à un crime contre l’humanité. Peut-être le plus grand que le monde a connu. Puisque d’un clic, je peux tout acquérir je n’ai plus besoin que de connaître mon désir pour le rassasier. On comprend aussi que ce désir individuel que plus rien ne protège de son appétit n’accepte aucune limite et surtout pas celle posée par autrui ; alors entre en jeu l’envie, le désir dévoyé, avili.

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Spectacle “Mais toujours reviennent des temps…” – 2ème Régiment Etranger d’Infanterie (1991)

Spectacle « Mais toujours reviennent des temps… » — 2ème Régiment étranger d’infanterie (1991) de Emmanuel Di Rossetti sur Vimeo.

Le 31 août 1991, le 2ème Régiment étranger d’Infanterie fêtait au cours d’une cinéscénie exceptionnelle son 150ème anniversaire, la bataille d’El Moungar et son retour de l’opération Daguet, la première Guerre du Golfe. 30 000 spectateurs nîmois assisteront à cet événement qui commença dans la journée avec les légionnaires habillés en costumes authentiques placés dans les conditions et les décors de différentes époques, et qui se poursuivra tard dans la nuit avec le spectacle proprement dit joué par François Gamard, Jérôme le Paulmier et Richard Bohringer1 en façade du stade des Costières (180 mètres de scène !).

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Transformer l’idée en sentiment

Max Jacob à un étudiant :

La méditation ne consiste pas à avoir des idées, au contraire ! elle consiste à en avoir une, à la transformer en sentiment, en conviction. Une méditation est bonne quand elle aboutit à un OUI, prononcé par le corps tout entier, à un cri du cœur : joie ou douleur ! par une larme ou un éclat de rire. Essayez seulement de méditer sur ceci : Dieu s’est fait homme. Répétez cela en vous-même jusqu’à arriver à la conviction. Peu importent les images qui se présentent, image du Christ ou enfant ou jeune homme ou crucifié. Peu importe. Répétez à genoux : Dieu s’est fait-homme ! Pendant combien de temps ? Cela dépend de vos facultés. Il y a de bonnes méditations de dix minutes et de mauvaises qui durent une heure. En somme, recueillez-vous deux fois par jour au moins.

Je ne vous parle pas d’oraison, de contemplation, d’abord parce que je n’y entends pas grand-chose, ensuite parce que je ne veux pas faire de vous un mystique, mais seulement un homme.

Antigone, insoumise et intime (6/7. La vocation)

 

Que d’histoires au sujet de l’identité ! Le mot n’apparait ni dans l’épopée grecque ni dans la tragédie. L’identité à l’époque d’Antigone s’adosse à la lignée et à l’appartenance à une cité. L’identité s’imprégnait de l’enracinement. La famille et la cité rassemblaient sous un étendard virtuel l’intégralité de ce que l’autre devait savoir de soi lors d’une première rencontre. Pendant l’antiquité, personne ne clamait son identité ni ne la promulguait, et nul ne décidait de son identité. Il ne s’agissait pas de mettre un costume. Les hommes relevaient de leur identité. L’identité s’apparentait à une charge, on se devait d’en être digne. Elle statuait l’être et le devenir. L’époque moderne en a fait un enjeu, car elle a transformé l’identité en avoir, une sorte d’acquis dont on peut s’affubler ou se départir. Dans son fantasme moderne de croire que l’on peut tout choisir tout le temps, l’époque moderne a remplacé avec une méthode implacable l’être par l’avoir. Pourtant cette logique, cette idéologie a ses limites : certaines choses ne se peuvent acquérir, parmi elles : l’altérité. Vivre son identité, être ce que l’on est, habiter son nom, permettre l’intimité et donc la connaissance et l’approfondissement de son être, voilà les conditions sine qua non d’une rencontre avec l’autre. La première différence entre Créon et Antigone se situe à cet endroit précis, le terrain sur lequel se bâtit le combat, Antigone préserve ancré en elle ce don des anciens, des dieux, cet enracinement qui définit l’autorité à laquelle elle s’adosse pour tenir tête à cet homme, son parent, le roi, qui épouse la volonté de puissance et se trouve aveuglé par elle jusqu’à ne plus entendre que sa propre voix, son écho. Lire la suite de “Antigone, insoumise et intime (6/7. La vocation)”