Emmanuel Todd ou la vulgarité intellectuelle

Emmanuel Todd passait l’autre matin sur France Culture pour nous délivrer sa bonne parole. Emmanuel Todd est un prophète. Il en a la faconde. Il en a la prétention, surtout. Il n’en a pas l’honnêteté. En effet, on ne peut être un prophète et un idéologue.

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Hommage à Jean-Marie Domenach

En relisant des notes prises il y a des années pendant la lecture du Retour du tragique de Jean-Marie Domenach, je me souviens de notre rencontre. Je le vois arrivant dans mon petit studio de la Fourche, me demandant un verre de vin et moi, commençant à lui expliquer par le menu l’orientation que je voulais donner à notre entretien. Et lui me regardant avec des yeux ronds, s’arrondissant encore, et soudainement me lançant enthousiasmé : “Mais vous avez lu mes livres… Je n’ai pas l’habitude de rencontrer des journalistes qui ont lu mes livres”.

Cette rencontre restera comme l’une des très belles rencontres que j’ai réalisées en tant que journaliste. Nous discuterons plus de deux heures de morale et de moralisme, de Saint-Just et de Nietzsche. De Dieu aussi. De Dieu surtout.

Cris d’orfraie d’Onfray

Donc Onfray a lu un livre où l’on révèle la fabrique d’Ernst Jünger… Michel Vanoosthuyse : Fascisme et littérature pure. On y révèle — nous dit toujours le philosophe autoproclamé de la sensualité — que Jünger a toujours été fasciste et qu’il a passé des années, une grande partie de sa vie, un demi-siècle, à effacer les traces de ces années fascistes. Qui a côtoyé Ernst Jünger, même de très loin, ne pourra que sourire à ces déclarations. Ernst Jünger fabriquant sa vie pour une postérité est grotesque. Jünger a toujours été l’antithèse de ce personnage machiavélique qu’Onfray a cru débusqué au détour d’un livre. M’apercevoir enfin que ce livre de M. Vanoosthuyse a paru aux éditions Agone finit de me faire sourire, on pouvait espérer que M.Vanoosthuyse passe plus de temps à apprendre de Jünger qu’à réaliser autour de sa personne une chasse aux sorcières. La quatrième de couverture manque ainsi singulièrement d’inspiration puisqu’elle finit par ses mots : « ce que recouvre l’entrée d’un auteur à passé fasciste dans la littérature ‘pure’. » Kesako ? Jünger serait le seul auteur de droite (je résume ici la pensée de ces messieurs de gauche qui donne du fasciste pour un oui ou pour un non) à faire son entrée dans la littérature ? Qu’est-ce que la littérature pure ? Une littérature de gauche ? Ça commence mal pour les éditions Agone qui dès la quatrième de couverture ne font pas montre d’une grande maîtrise éditoriale…

Quant à Onfray, on comprend au fil de l’article qu’une seule chose l’inquiète et dans cette optique on pourrait le comprendre — c’est la liberté, l’extraordinaire liberté de Jünger à tout âge, à toute époque jusqu’à ses derniers jours. Michel Onfray ne comprend rien à la liberté de Jünger. Alors n’y comprenant rien, il désire la détester. Il désire montrer qu’il s’agit d’un subterfuge. Et Jünger a passé un demi-siècle à le façonner.

Parce qu’il faut quand même que ça ait été l’effort d’une vie pour que Michel Onfray se fasse avoir. Qu’il ait fallu ce livre pour qu’il soit déniaisé comme il l’avoue. On ne peut que s’esclaffer, Michel Onfray est un faiseur quand il le veut. Et il nous prend pour des citrouilles. Qui croira une seule seconde qu’il a jamais aimé Jünger ? Si Onfray dit aimer Jünger, c’est qu’il plastronne. Il fait le beau. Il pérore. Il veut dire. Je suis. Je pense. Largeur d’esprit. Oeucuménisme. Introspection. Esprit critique. Tolérance encore. Tolérance toujours. Bonne conscience. Eh oui, il ne s’agit plus que de cela. Michel Onfray pourra passer plusieurs vies à effacer les traces, il sera facile d’exhumer toutes les fois où il aura fait semblant.

C’est dommage, Michel Onfray sait aussi dire certaines choses qui ne relève pas de son clan, de son camp, de sa famille politique. Il sait parfois échapper aux mailles du filet et reconnaître chez ses adversaires l’honnêteté. Mais ii faut toujours qu’il se laisse aller, il faut toujours qu’il se recroqueville, qu’il médiatise  donc qu’il donne le change… Tant de gachis. Il est difficile de comprendre comment Michel Onfray peut trouver un quelconque intérêt au tout petit livre à charge de Michel Vanoosthuyse… L’impression donnée équivaut à celle d’un beau chien au poil luisant se roulant dans la fange.

Le monde laïc et moderne

Il y a le beau mot italien « vergogna », il y a le mot français vidé de son sens à l’époque moderne « honte ».

Qui ne s’est trouvé au beau milieu d’un dîner avec de chers amis à vouloir fuir le lieu, fuir pour ne plus avoir à endurer la stupidité, l’incohérence, les propos « petit-bourgeois », la vulgarité ? Le besoin d’air pur se fait sentir alors que nos poumons ne suffisent plus pour emmagasiner le peu d’air ambiant. Bien souvent ces gens que l’on aime, qui ne font que répéter ce qu’ils ont lu dans les journaux, sur les blogues, nous agacent… Internet peut être un pur ennemi de l’intelligence.

Généralement lors de ces dîners, le pire sera atteint lorsqu’on parle de religion.

Le monde laïc et moderne a édicté une loi monstrueuse, protéiforme, incandescente : la religion devra se confiner à « la sphère privé ». Je mets cette dernière expression médiatique entre guillemets pour les raisons que l’on comprendra, comme souvent avec les expressions médiatiques, elle ne veut rien dire. Je ne suis pas contre l’idée d’une certaine discrétion dans la pratique de la religion, mais je suis contre l’idée de me cacher d’être chrétien. Surtout dans un pays comme le nôtre ! Mais le problème ne serait-il pas là et nulle part ailleurs ? Ce pays n’en finit-il pas de se détester ?

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