Le sacrifice du chef

Un livre du général de Corps d’armée, Pierre Gillet édité aux éditions Sainte-Madeleine

« Qui est comme Dieu ? »(1), le livre du général de corps d’armée Pierre Gillet, inventorie de manière exhaustive les qualités d’un chef et dresse les vertus chrétiennes nécessaire au commandement. Ce qui pourrait passer pour un livre d’initié, un nouveau T.T.A(1), devient sous la plume délicate et virile de Pierre Gillet, ancien chef de corps du 2ème Régiment étranger d’infanterie, général commandant le corps de réaction rapide – France, une poésie de l’être, imprégnée de spiritualité, de passion, de persévérance et de dignité.

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François Lagarde, photographe de Ernst Jünger

François Lagarde installant l’une de ses photos à la Maison Européenne de la Photographie

Au milieu d’un samedi matin qui se traînait en longueur, le téléphone sonna, une voix déjà bien connue se fit entendre, elle parlait un français impeccable orné d’un délicieux accent germanique : « Mon lieutenant, pensez-vous qu’il soit possible d’inviter un ami, François Lagarde, aux festivités ? » Je répondis que cela ne posait aucun problème et mon interlocuteur raccrocha le téléphone en un éclair comme il en avait l’habitude. J’avais rencontré Ernst Jünger pour la première fois, trois semaines auparavant. Il m’appelait pour quelque temps encore et avec une certaine déférence, mon lieutenant. J’avais réalisé un rêve en le rencontrant à Wilflingen, il m’avait reçu avec des égards qui là encore m’avaient presque indisposé et il m’avait assuré de sa présence pour le spectacle que nous préparions en base arrière pour le retour des troupes de l’opération Daguet en Irak à Nîmes. Mais je ne connaissais pas François Lagarde, dont me parlait l’écrivain allemand, et j’avais senti au son de sa voix qu’il s’agissait d’un vœu qui lui tenait à cœur. Il me dit qu’il habitait à Montpellier et qu’il viendrait par ses propres moyens… Peu de temps après, je recevais un autre appel, cette fois de François Lagarde qui se présenta au téléphone et qui m’indiqua être photographe.

Ernst Jünger en uniforme

François Lagarde avait une voix douce et je ne l’ai jamais entendu l’élever. À tout moment, dans toutes circonstances, il restait maître de lui-même et cela ne lui semblait pas un effort. Il avait cette voix douce et questionnante dont l’interrogation servait autant à découvrir qu’à confirmer. François disposait d’une vraie douceur, qui n’était pas feinte, mais il était aussi habité d’une certaine férocité que je mettais sur le compte de la double émancipation qu’il était persuadé avoir réussi : émancipation de son milieu et émancipation de toutes formes de limites à l’instar des gens qui ont eu vingt ans en 1968. François était protestant jusqu’au plus profond de lui-même. Il refusait cette condition et se vantait donc de s’en être débarrassé, de ne plus porter le poids de ses deux parents pasteurs, mais il continuait de lutter, et en son for intérieur, j’ai toujours pensé qu’il était conscient, même s’il agissait comme quelqu’un ayant remporté la mise, que le combat l’habiterait toujours. Alors il se dépatouillait de son protestantisme en l’affublant d’un côté fellinien, à la recherche de la moindre parcelle de vie pure, de vie dionysiaque, d’orgie de vie… C’était son agonie. Il ne s’y est jamais dérobé. Il y a quelque chose de terrible à voir un homme ne garder de l’enfance que du gris, du terne… Aucune joie d’enfant ne vient contrebalancer ce sentiment. Si tout est une question de perspective dans la vie, la joie devrait être toujours la perspective de l’enfance, car la joie ressentie pleinement dans une âme pure paraîtra toujours plus forte que les aléas de la vie adulte. Le temps nous habitue souvent à notre propre hypocrisie. Et nous prenons cette habitude pour une victoire. François Lagarde exaltait une complexité à toute épreuve. Il était difficile de ne pas l’aimer. Il était primesautier, toujours curieux et paré d’une joie toute catholique. Il n’aurait pas aimé que je lui donne une qualité catholique, mais il en aurait été flatté, sans l’avouer bien sûr.

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Spectacle “Mais toujours reviennent des temps…” – 2ème Régiment Etranger d’Infanterie (1991)

Spectacle « Mais toujours reviennent des temps… » — 2ème Régiment étranger d’infanterie (1991) de Emmanuel Di Rossetti sur Vimeo.

Le 31 août 1991, le 2ème Régiment étranger d’Infanterie fêtait au cours d’une cinéscénie exceptionnelle son 150ème anniversaire, la bataille d’El Moungar et son retour de l’opération Daguet, la première Guerre du Golfe. 30 000 spectateurs nîmois assisteront à cet événement qui commença dans la journée avec les légionnaires habillés en costumes authentiques placés dans les conditions et les décors de différentes époques, et qui se poursuivra tard dans la nuit avec le spectacle proprement dit joué par François Gamard, Jérôme le Paulmier et Richard Bohringer1 en façade du stade des Costières (180 mètres de scène !).

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Phrase commémorative

Un ami m’a contacté pour me demander la citation exacte de Ernst Jünger (tirée d’Orages d’acier) que nous aimions à répéter entre officiers du 2ème régiment étranger d’infanterie. Je l’inscris sur ce blogue comme je me souviens que le général Antoine Lecerf affectionnait cette citation et qu’elle lui va comme un gant :

Il nous a été donné de vivre dans les rayons invisibles de grands sentiments, cela demeurera notre inestimable privilège.

Et par saint Antoine… (Décès du général Antoine Lecerf)

Antoine n’est plus. Il est parti le Vendredi saint. Le 22 avril 2011. Il est dans la maison du Père. Antoine, c’est Antoine Lecerf. Le général de corps d’armée Antoine Lecerf. Un maître de guerre. Un brillant meneur d’hommes. L’un des hommes les plus extraordinaires que j’ai connu.

Lorsque vous rencontriez Antoine Lecerf la première fois, il y avait cette franche et ferme poignée de main, mais il y avait immédiatement autre chose ; quelque chose qui relevait du charisme. Antoine Lecerf aurait charmé des serpents. Il vous serrait la main et immédiatement il y avait envoûtement. Il voulait tout de suite savoir si vous étiez avec lui, si vous étiez prêt, si vous adhériez à son projet. Quel projet ? Il en avait un nouveau toutes les cinq minutes. Et il n’en laissait tomber aucun. Il pensait vite, mais son amitié durait longtemps. Il voulait savoir si vous étiez avec lui et il avait un moyen infaillible de le savoir : il vous serrait la main, il la gardait, son visage s’approchait du votre, il venait à votre rencontre, il voulait savoir. Il vous serrait la main, il la gardait, son visage s’approchait du votre et il plissait un peu sa paupière gauche comme pour améliorer son acuité visuelle, comme pour être bien sûr de ce qu’il allait voir, de ce que vous alliez lui dévoiler. Son oeil plissé, ce regard pénétrant venait chercher quelque chose. Il cherchait cette petite flamme. Il voulait savoir si vous aussi vous étiez animé. Antoine Lecerf ne frayait qu’avec des gens animés. Rien ne l’intéressait plus que de savoir si vous aussi vous l’étiez, ou même à un degré moindre si vous pouviez l’être (ce qui suffisait à le contenter, car le potentiel avait une valeur toute particulière pour lui). Antoine Lecerf vous choisissait. Et rien n’était moins le fruit du hasard.

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