Lettre au Pape François au sujet de la messe

Préambule
Cette lettre au Pape François a été d’abord écrite pour La Voie Romaine 1 afin de rendre témoignage de la beauté et de l’efficacité du rite traditionnel romain et de témoigner du choc causé par le motu proprio, Traditionis custodes, publié le 16 juillet 2021 par le Pape François.

Saint Père,
Je m’extirpais d’un terrible cauchemar : j’ai rêvé que vous limitiez l’accès à la liturgie traditionnelle, j’ai dès lors pensé qu’il était important de vous révéler combien la messe de saint Pie V a marqué mon existence sans que j’y sois préparé le moins du monde. Savez-vous qu’il m’est difficile d’écrire Saint-Père, car je n’ai pas eu de père. J’en ai un, comme tout un chacun, mais, je ne l’ai pas eu quand j’aurais dû l’avoir. Ainsi, il m’a abandonné avant que je naisse. Je l’ai retrouvé, plus tard, mais vous comprenez que je ne l’ai pas eu au bon moment. Je n’ai pas eu les bons moments qu’un enfant connaît avec son père. Je ne l’ai pas connu lorsque le besoin s’en faisait sentir, et le besoin s’en faisait sentir à tout moment puisque l’absence le créait Je n’ai pas eu de père pour me guider, comme un tuteur, pour partager mes goûts et mes dégoûts, pour épouser mes vues ou les infléchir.

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Benoît XVI au Paradis !

— Est-il matin ou soir ?
Mon souffle se coupait, puis il reprenait. Comme s’il donnait signe d’une défectuosité. Il me lâchait. Le pneuma me quittait. J’ai soufflé que j’étais prêt. Mon Dieu que j’aime ! Mais, le souffle revint, l’air de rien, comme s’il s’était absenté pour faire une course. La memores est sortie. Je savais que G. allait arriver. J’espérais que mes dernières forces durent jusqu’à son retour. Je l’attendais pour entrer en agonie. Je ne ressentais aucune tension. Je crois que tout s’est fait rapidement ensuite. Le temps se bouscule. J’entendais différents sons qui ne paraissent pas appartenir tous au même univers. Cela me donnait une vague torpeur comme on en ressent lorsqu’on est comateux. Des sonorités venant de plusieurs dimensions.
G arriva avec deux sœurs, mes petites memores qui avaient si bien pris soin de moi toutes ces années. J’entendais parfaitement ce qui se disait. L’âme a des oreilles, n’est-ce pas ? Je jaugeais quels témoins seraient présents lors de mon jugement. J’interrogeai mon ange, mais il ne répondit pas. Était-il déjà appelé pour paver ma route ? J’entendais G. qui de sa voix mélodieuse me parlait pour me rassurer, mais je ne pouvais pas lui répondre. C’est certainement ce qui le décida à me bénir et à m’offrir le dernier sacrement. Ma voix ne sortait plus. J’ai compris que cette fois, elle ne sortirait plus jamais. Ma voix sur Terre s’éteignit à cet instant. Cela commençait ainsi. Elle m’avait déjà trahi, cependant cette fois, je compris que c’était définitif. Je ne mis plus aucune force à la faire changer d’avis. Je sentais que des parties de moi devenaient ainsi indépendantes de moi. Je voulais redire : mon Dieu que j’aime ! Je le dis sans voix. Du regard, G. me comprit. L’âme a des oreilles. G. s’agenouilla à l’instant où j’eus l’impression de glisser. Je me souvins de moi, enfant, glissant sur une mare d’eau glacée et me retrouvant sur les fesses, tournant sur moi-même. Mes yeux se fermèrent sur ce souvenir délicieux de maman et papa riant aux éclats de ma chute, mon bien cher frère riait lui aussi à leurs côtés, puis il m’aida à me relever. Mes chers parents qui m’avaient donné la vie à une époque difficile et qui, au prix de grands renoncements, m’avaient préparé par leur amour un merveilleux foyer.
Tout s’est fait très vite. J’ai quitté mon corps. J’ai compris que l’âme était le véritable je. Je sentais toujours mes membres. C’était étrange. J’ai senti quelqu’un venir. Tout allait très vite. Une personne approchait. Il m’était familier. Comment le savais-je ? C’était comme un nouveau sens qui précédait tous mes sens perdus. Je connaissais celui qui venait même si je ne voyais personne, d’ailleurs ma vue se brouillait, elle devenait confuse, mais je savais, je sentais que quelqu’un se tenait debout devant moi.

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Témoignage chrétien

Lorsque j’ai commencé ce blogue, très vite m’est venue l’idée d’écrire sur la liturgie. Non pas pour revendiquer un statut de spécialiste, mais pour partager mon expérience au sujet de ce qui représente le coeur de la vie d’un chrétien. Il y avait donc deux routes qui devaient se fondre : Il fallait raconter la messe (et ses bienfaits), et ensuite confier le cheminement qui l’avait révélée.

Partie 1 : Quelle messe pour quelle Église ? – Devant l’église

Prêtres en soutaneDurant l’année 1987, je crus que mon heure était arrivée. Ma vie s’effondrait. La vie ne s’effondre jamais, je mettrai quelques années à le comprendre ; ou elle s’arrête, ou elle se transforme. Ma vie se transformait donc, violemment, intensément, elle me proposait l’enantiodromos comme disent les Grecs. L’enantiodromos est cette route qui se fend, qui se sépare, qui devient deux, et nous place face au choix. L’enantiodromos m’a permis de comprendre ce qu’était la liberté. C’était une situation inédite, j’allais m’en rendre compte. Ce croisement où la vie prend une tournure tout à fait inattendue marque le passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce moment n’a pas d’âge. Je veux dire que l’on peut le vivre à tout âge. Ce qu’il ne faut pas c’est ne pas le vivre. Ne pas comprendre ce qui différencie la liberté vécue pendant l’enfance de la liberté choisie à l’âge adulte. Parce que le choix fait, nous devenons un autre ; l’expérience nous révèle et donne un cadre et des fondations à la personnalité.

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Newman et Socrate

Les liens entre la philosophie grecque antique et le christianisme sont nombreux. Le plus fameux des préceptes grecs : Gnothi Seauton, « Connais-toi toi-même », inscrit à Delphes garde un certain mystère. Un autre bout de phrase nous est resté : « Mais pas trop »… Connais-toi toi-même… Mais pas trop ! Platon amène Socrate à réfléchir à la formule delphique dans le Philèbe :

SOCRATE — C’est en somme une espèce de vice qui tire son nom d’une habitude particulière, et cette partie du vice en général est une disposition contraire à celle que recommande l’inscription de Delphes.

PROTARQUE — C’est du précepte : connais-toi toi-même, que tu parles, Socrate ?
SOCRATE — Oui, et le contraire de ce précepte, dans le langage de l’inscription, serait de ne pas se connaître du tout.
« Connais-toi toi-même » afin de t’améliorer, de gommer en toi ce qui gêne à ton épanouissement. Ne pas se connaître est déjà une faute pour Socrate. « Mais pas trop », car l’homme se croit si facilement beaucoup plus qu’il n’est, fils d’Adam, l’homme est le jouet de sa présomption. « Mais pas trop » afin de ne pas te prendre pour un dieu.
Il s’agit de l’un des fondements de la culture grecque, l’idée de se connaître, l’idée de sagesse, d’avancée dans la sagesse, mais le sentiment aussi qu’à trop creuser les surprises peuvent surgir, et pas forcément de bonnes. Les Grecs étaient très conscients des faiblesses de l’homme, de ses insuffisances. Les Grecs sont même, avec les chrétiens, ceux qui ont le plus mis en avant la possibilité de faiblesse de l’homme, c’est aussi ce qui nous les rend si proche. La faiblesse de l’homme s’exprime dans leurs évangiles, les tragédies. Pitié et terreur en sont les deux piliers. Connais-toi toi-même… mais pas trop.

Le chemin de Dieu passe par notre humanité…

Extraordinaire passage du Bienheureux cardinal Newman :

En péchant, en souffrant, en nous corrigeant nous-mêmes, en nous améliorant, nous avançons vers la vérité par l’expérience de l’erreur ; nous obtenons le succès à travers l’échec. Nous ne savons comment agir bien sinon après avoir mal agi. […] Nous savons ce qui est bien non de manière positive mais négative ; nous ne voyons pas la vérité d’un seul coup pour nous diriger vers elle, mais nous nous jetons sur l’erreur pour en faire l’expérience, et nous découvrons qu’elle n’est pas la vérité. […] Tel est le mécanisme par lequel nous parvenons au succès ; nous marchons vers le ciel à reculons ; nous visons de nos flèches une cible et pensons qu’il est bien adroit celui dont les ratés sont les moins nombreux.