Newman et Socrate

Les liens entre la philosophie grecque antique et le christianisme sont nombreux. Le plus fameux des préceptes grecs : Gnothi Seauton, « Connais-toi toi-même », inscrit à Delphes garde un certain mystère. Un autre bout de phrase nous est resté : « Mais pas trop »… Connais-toi toi-même… Mais pas trop ! Platon amène Socrate à réfléchir à la formule delphique dans le Philèbe :

SOCRATE — C’est en somme une espèce de vice qui tire son nom d’une habitude particulière, et cette partie du vice en général est une disposition contraire à celle que recommande l’inscription de Delphes.

PROTARQUE — C’est du précepte : connais-toi toi-même, que tu parles, Socrate ?
SOCRATE — Oui, et le contraire de ce précepte, dans le langage de l’inscription, serait de ne pas se connaître du tout.
« Connais-toi toi-même » afin de t’améliorer, de gommer en toi ce qui gêne à ton épanouissement. Ne pas se connaître est déjà une faute pour Socrate. « Mais pas trop », car l’homme se croit si facilement beaucoup plus qu’il n’est, fils d’Adam, l’homme est le jouet de sa présomption. « Mais pas trop » afin de ne pas te prendre pour un dieu.
Il s’agit de l’un des fondements de la culture grecque, l’idée de se connaître, l’idée de sagesse, d’avancée dans la sagesse, mais le sentiment aussi qu’à trop creuser les surprises peuvent surgir, et pas forcément de bonnes. Les Grecs étaient très conscients des faiblesses de l’homme, de ses insuffisances. Les Grecs sont même, avec les chrétiens, ceux qui ont le plus mis en avant la possibilité de faiblesse de l’homme, c’est aussi ce qui nous les rend si proche. La faiblesse de l’homme s’exprime dans leurs évangiles, les tragédies. Pitié et terreur en sont les deux piliers. Connais-toi toi-même… mais pas trop.

Les vertus de l’ennui

Dans un petit livre acide (De la France, traduit par Alain Paruit. L’Herne), Emil Cioran, donnait une réponse au malaise français. Il expliquait combien il tenait à l’ennui, mais il distinguait deux sortes d’ennuis :  celui qui ouvre « ses portes à l’infini », « comme prolongation dans le spirituel d’un vide immanent de l’être » et celui qu’il pense comme l’un des maux les plus importants de la France, son ennui « dépourvu d’infini ». Il l’appelle « l’ennui de la clarté. […] la fatigue des choses comprises ».

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